« Ne cries pas si fort ! », « Cesses de pleurer ! », « Calmes ta joie ! »… Autant d’injonctions que nous avons reçu pour réprimer nos émotions afin d’être « plus sage », « plus raisonnable ».
En famille, à l’école ou en société, la constance, la bienséance, la rationalité, la performance ont été valorisées et nous ont coupés de ce précieux contact avec ce que nous vivons, ce que nous ressentons dans l’instant.
Étymologiquement, « l’é-motion » est de l’énergie en mouvement, c’est l’expression de la vie en nous, notre manière d’être en contact avec la vie et le monde.Il a été démontré que 7 familles d’émotions (joie, tristesse, colère, dégout, peur, surprise, mépris) partagent une expression faciale universelle quelques soit notre culture ou nos origines, nous pouvons reconnaître l’émotion chez l’autre et se comprendre. L’émotion nous permet de communiquer, d’être en lien avec notre environnement. Le bébé va utiliser volontairement ses mimiques afin de faire passer des messages à ses parents. Les réactions émotionnelles sont des repères.
Chaque individu réagit à un événement déclencheur d’une certaine manière déterminée par son état émotionnel ; la réponse menée par le cerveau reptilien se situe généralement dans l’un de ces axes : combattre, fuir, ou se figer. Grâce à ces émotions, devant chaque situation, nous produisons une réaction adaptée qui régule l’organisme.
La peur nous indique que nous sommes en insécurité, le corps va concentrer son énergie pour lui permettre de fuir ou se défendre. La colère elle nous aide à poser nos limites, la tristesse permet de digérer les deuils. La joie, euphorisant et désinhibiteur naturel, stimule la production d’hormones du plaisir. Il existe un lien entre immunité et émotions ; la joie et le plaisir renforcent les défenses immunitaires.
« Pleurer, crier, trembler…sont des remèdes aux inévitables tensions de la vie » explique Isablle Filliozat dans son livre Au cœur des émotions de l’enfant. D’après cette psychothérapeute, en exprimant ses émotions, l’enfant affirme son identité, son individualité. « Le sentiment de soi repose sur la conscience de ses émotions propres : je suis celui que je me sens être. Quand l’enfant n’a pas le droit de ressentir par lui-même, il ne se sent plus être » poursuit-elle.
L’émotion a besoin de se mouvoir, de circuler à travers nous, tout en étant accueillie et exprimée ce qui veut dire que toute émotion bloquée, refoulée, nous empêche d’évoluer et nous emmène à l’image d’une boucle à revivre constamment les mêmes événements.
Krishnamurti aborde la mémoire dans son livre « Se libérer du connu » : « Avez-vous remarqué que lorsque l’on réagit, lorsque l’on répond à quelques chose totalement, de tout son cœur, très peu de mémoire s’y attache ? Ce n’est que lorsque l’on ne répond pas de tout son être à une provocation que se produit un conflit, une lutte qui créent de la confusion, du plaisir ou de la douleur. Cette lutte engendre une mémoire, tout le temps, à laquelle s’ajoute d’autres, et ce sont elles qui répondent aux événements ».
Ces mémoires deviennent des « empreintes émotionnelles » qui s’engramment dans notre corps physique.
Frank Lopver, auteur du livre Un homme debout, partage ainsi sa propre compréhension : « La vie s’ingénie à nous mettre systématiquement dans les mêmes situations jusqu’à ce que, enfin, nous acceptions de ressentir ce que nous avons besoin de ressentir. En acceptant de nous laisser traverser par cette charge énergétique, nous dénouons le paquet émotionnel qui était resté coincé quelque part dans le grand canevas de notre multi dimension ».
L’acceptation permet de retrouver une circulation fluide dans la globalité du corps physique, émotionnel et énergétique, une véritable spontanéité de vivre, pleurer quand l’envie est de pleurer, rire quand l’envie est de rire. Ce n’est pas une technique mais plutôt une façon de vivre, le désir de ne plus se protéger de ce que nous portons profondément en nous.